Dans le monde entier, les événements de ces deux dernières années ont mis les modèles sociétaux, économiques et industriels à rude épreuve. Et le secteur de la finance n’a pas été épargné par ce raz-de-marée.

En soutenant de nombreuses initiatives des pouvoirs publics, les banques de la planète ont joué un rôle clé dans la survie de l’économie. Le secteur bancaire a également dû s’adapter aux changements de comportement des consommateurs et répondre à de nouveaux besoins en matière de services financiers.

Sortie de crise oblige, la transformation mondiale des établissements bancaires devrait se poursuivre en 2022, dans la continuité des investissements massifs engagés dans de nouveaux services financiers et modèles opérationnels ces deux dernières années. Nous dressons ici un tour d’horizon des huit grandes tendances qui promettent de marquer le secteur en 2022.

1. Mutations économiques

Après une crise économique mondiale sans précédent en 2020, l’année 2021 a été celle de la reprise.La croissance économique est repartie progressivement, mais pas uniformément sur la planète.

En 2022, il est clair que les banques centrales font de la lutte contre l’inflation une priorité en augmentant leurs taux.Ces décisions entraîneront une explosion des mouvements financiers à tous les échelons (gestion de patrimoine, courtage, immobilier, etc.), donnant aux banques l’occasion d’accroître leurs bénéfices après plusieurs années de vaches maigres. Les structures suffisamment agiles pour répondre aux demandes de produits et de services de leurs clients, tout en poursuivant la transformation de leur back-office, prendront sans aucun doute l’avantage sur la concurrence.

Toutefois,dans les mois à venir, les pouvoirs publics mettront également un terme à certaines aides, ce qui risque d’accroître les taux d’impayés et le nombre de créances irrécouvrables. On peut donc s’attendre à des tensions entre les banques et les emprunteurs. Étant donné que les répercussions toucheront de nombreux secteurs (bâtiment, automobile, etc.), la réponse des banques sera déterminante. En allant au-devant des besoins des clients pour leur proposer des solutions sur mesure, elles pourront gagner leur confiance – ce qui se reflètera très certainement dans une baisse du turnover.

2. Évolution démographique

En 2022, les banques et les établissements financiers devront également s’adapter à la nouvelle donne démographique. Au cours des dix dernières années, le secteur a concentré son action sur des modèles bancaires traditionnels ciblés sur les baby-boomers.Or, aujourd’hui, nous assistons certainement aux prémices du prochain « grand transfert de richesses ».
Les bénéficiaires les plus probablesde ce transfert : la génération X, largement négligée et coincée entre les décisions de succession d’une génération vieillissante (les baby-boomers) et des banques avides de séduire les milléniaux et la génération Z par des modèles digital-native.Bien que les membres de la génération X aient généralement établi une relation de confiance avec leur principal prestataire de services financiers, ils n’en sont pas moins très à l’aise avec les technologies et les services digitaux. Cela pourrait entraîner une évolution de ce type de services bancaires.
Ces changements démographiques concernent non seulement les clients, mais aussi les salariés.Le vieillissement de la population des économies développées et la pandémie de Covid-19 sont à l’origine d’un phénomène baptisé la « Grande démission ».Dans ce contexte, la pénurie de talents et les valeurs des collaborateurs de la génération Z influencent les pratiques de recrutement des banques, leurs stratégies de fidélisation des meilleurs performeurs et l’aménagement des environnements de travail.

3. Retour de l’humain  

Dans le secteur financier, l’amélioration des résultats repose généralement sur deux éléments clés : les données et les personnes. L’Homme est un être social. Il cherche le contact de ses semblables. Les banques doivent donc veiller à établir des canaux d’interaction humains en plus des outils digitaux.D’après les spécialistes, l’empathie et la quête de sens faisaient partie des grands axes de développement du secteur bancaire en 2021. Ce sera encore le cas en 2022.
Pour développer concrètement l’empathie et redonner à l’humain toute sa place dans ce secteur, les Comex et les conseils d’administration doivent réinventer la banque – souvent par le biais de technologies comme le cloud, l’intelligence artificielle (IA) et le machine learning. En faisant le lien entre physique et digital, ils créeront un modèle de banque « phygital ».
Pour cela, les banques devront revoir l’utilisation et redessiner la physionomie de leur réseau d’agences. Il est toutefois impossible de faire émerger un modèle générique pour ces nouveaux canaux connectés.Prenons l’exemple des banques françaises.Ici, les établissements conservent leurs agences, mais modifient le rôle des collaborateurs qui y travaillent. Ces derniers vont donc être formés et équipés de nouvelles technologies pour apporter une touche humaine et locale aux canaux digitaux.
En Allemagne, un modèle complètement différent émerge. Par exemple, Commerzbank fermera un tiers de ses agences et regroupera ses banquiers, ses conseillers et son centre d’appels traditionnel dans un seul et même « centre de conseils ».

4. Valorisation des salariés

La Grande démission de 2021 devrait perdurer en 2022 et à plus long terme.De fait, la pandémie a modifié les comportements des salariés, leurs attentes et leur façon d’aborder l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Si un « retour au bureau » semble très probable, les banques évoluent sur un marché encore tendu cette année.
« Moins de costumes, plus de sweats à capuche. » Cette formule ne prône pas tant un code vestimentaire qu’un changement d’état d’esprit. Elle reflète en même temps la recherche d’adéquation entre nos environnements de travail et nos modes de vie.Sur le marché du travail, les principaux concurrents des banques sont non plus les autres banques, mais Google, Microsoft et les start-ups de la tech.
Face aux sirènes de la fintech, les banques traditionnelles doivent plus que jamais attirer et retenir les talents. D’où l’importance de placer l’accent sur l’expérience collaborateur et dechasser sur les terres de la fintech pour recruter davantage de « sweats à capuche ».Les établissements du secteur devront également mener des actions de développement des compétences. La dématérialisation des environnements de travail, le développement du collaboratif et du multicanal s’accélèrent. Inimaginables il y a encore quelques mois, le conseil financier en visio et les agences bancaires en télétravail sont devenus une réalité.

5. Facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance

Durcissement du cadre règlementaire, crise sanitaire… dans un contexte de rétrécissement des marges et de hausse des coûts d’investissement et d’exploitation externes, les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) constituent un véritable casse-tête pour les banques. Elles devront pourtant en faire une priorité en 2022 et à plus long terme.
Tout d’abord, les banques pourront ainsi attirer de nouveaux clients sensibles aux questions sociales et environnementales, surtout parmi les milléniaux. Cette génération tend en effet à privilégier les banques et fonds d’investissement qui ont fait leurs preuves dans ces domaines.D’où l’importance d’aider les conseillers à mieux connaître leurs clients et à leur offrir des placements verts.
Ensuite, les banques doivent attirer et fidéliser les talents.Les plus jeunes, surtout la génération Z, sont plus susceptibles de choisir un employeur engagé sur des questions sociétales comme l’inclusion, la diversité et le développement durable. En clair, en articulant leur transformation autour des facteurs humains et ESG, les banques pourront rajeunir leurs effectifs.
En ce sens, de nombreuses banques ont clairement affiché l’intention de se concentrer sur la finance verte et durable.Et elles sont déjà quelques-unes à s’être repositionnées dans cette optique. À mesure que la finance verte gagne du terrain, les banques doivent exploiter leur capital data pour améliorer leur attractivité auprès de toutes les tranches socio-démographiques.
Enfin, l’empreinte carbone du secteur bancaire reste un sujet incontournable.Les banques sont connues pour leurs vastes data centers dont les serveurs traitent des volumes colossaux de données. Pour atteindre la neutralité carbone, elles devront impérativement adopter des technologies vertes, ainsi que des politiques adaptées en matière de conservation des données.

6. Nouveau culte de l’instantanéité

En lieu et place d’une offre de produits et de services via les canaux marketing et commerciaux physiques traditionnels, les acteurs des services financiers proposent désormais une nouvelle expérience axée sur le digital, la praticité et une meilleure prise en compte des besoins, des intérêts et des modes de vie des clients. En pleine démocratisation du numérique, les banques sont confrontées à un nouveau paradigme dans lequel les consommateurs attendent des solutions immédiates, personnalisées et contextualisées.
La notion d’instantanéité est au cœur des innovations CX. Autrefois, l’ouverture et l’activation d’un compte suivaient un processus complexe qui pouvait prendre plusieurs jours. Pendant la pandémie, tout est passé en ligne. Les transactions P2P (peer-to-peer) ont elles aussi fait l’objet de nombreuses innovations grâce auxquelles les consommateurs ont le sentiment de pouvoir répondre à tous leurs besoins en quelques clics.En 2021, la croissance exponentielle des achats avec paiement différé a favorisé la reprise économique.
Les consommateurs souhaitent également pouvoir interagir avec leur conseiller via le canal de leur choix.Ils veulent un conseiller financier qui les connaît et peut leur proposer une solution sur mesure à chaque étape importante de leur vie. Cette tendance perdurera à la faveur d’innovations technologiques (automatisation, IA, machine learning, etc.) et d’une refonte des processus internes et des modèles opérationnels.

7. Chantier des modèles financiers

Née dans le prolongement de l’open-banking, l’open-finance vise à accélérer la création d’un écosystème financier qui dépasse de loin les services bancaires traditionnels.Basée sur le partage de données, l’open-finance permet aux banques d’offrir un éventail d’options plus large, en phase avec les besoins de leurs clients. Toutefois, le partage de données suscite aussi des questions d’ordre réglementaire et de sécurité.
Les banques envisagent également une approche BaaS (Banking as a Service) et le concept de finance intégrée, deux modèles qui vont dans le sens du changement et devraient séduire de nouveaux clients. Quant aux investissements engagés dans le domaine du digital, ils pourront éventuellement déboucher sur de nouveaux partenariats hors services financiers. Mais rien de ceci ne sera facile.Les dirigeants poursuivront des objectifs très clairs : livrer des couches d’API faciles à intégrer et une approche BaaS. Pour eux, l’ouverture d’un compte devra être aussi facile que la réservation d’un VTC. Conscients de l’ampleur de la tâche, ces dirigeants savent que ce changement prendra plusieurs années. Ils devront donc continuer à aller de l’avant sans perdre de vue les résultats financiers et la qualité de l’expérience client.

8. Nouvel écosystème financier

Ici, l’emballement initial autour des cryptoactifs a laissé la place à une création de valeur tangible grâce à l’effet de réseau et à la mise à l’échelle. Bitcoin, Ethereum, Avalanche, ou encore Solana : les protocoles de couche 1, clé de voûte de l’infrastructure des réseaux de blockchain, superposés aux nœuds de calcul, deviennent essentiels. Quant aux projets bancals, ils sont soit consolidés, soit abandonnés.
L’engouement pour un système financier décentralisé (DeFi) contraint les banques à développer une proposition de valeur plus compétitive.De leur côté, les instances de régulation reconnaissent que les cadres règlementaires des années 1930 doivent s’adapter, sans pour autant compromettre l’intégrité du système.Enfin, les prévisions inflationnistes profitent aux cryptomonnaies et contribuent à la maturité des actifs alternatifs.

Conclusion

Les révolutions industrielles ont toujours été le fruit de progrès technologiques qui ont permis de transformer nos modèles socio-économiques. À cet égard, le boom technologique de ces deux dernières années a donné aux banques les moyens de moderniser leurs business models et de répondre aux nouvelles attentes des clients. En somme, une nouvelle révolution, financière cette fois, est en marche.En 2022, les grandes banques mettront les bouchées doubles pour adopter une stratégie technologique pérenne et mener une transformation digitale de bout en bout. L’objectif : maintenir leur compétitivité et se préparer à la prochaine vague « disruptive ».