Ce que les retailers veulent avant tout aujourd’hui, c’est proposer à leurs clients des expériences simplifiées, homogènes et personnalisées. Dans un rapport rédigé par le cabinet de conseil en management BDO, près des trois quarts des cadres dirigeants du retail font de l’amélioration de l’expérience client (CX) un objectif à court terme (12 à 18 mois).
De tous les secteurs touchés par la pandémie de Covid-19, le retail est sans doute celui qui a connu le plus de bouleversements. Entre la migration des canaux d’achat et de service, la hausse soudaine de la demande pour certains produits, l’effondrement des volumes de vente pour d’autres et les perturbations subies par les supply chains, les enseignes doivent gérer un nombre croissant d’appels émanant de clients toujours plus exigeants. La multiplication des canaux de communication met à rude épreuve leur capacité à proposer des expériences client homogènes et cohérentes. Et malgré les nombreuses innovations technologiques dans le domaine du traitement des paiements et de la prévision de la demande, pour ne citer que ces exemples, les systèmes et les infrastructures propriétaires d’ancienne génération représentent un frein majeur à l’amélioration des services.
Dans ce contexte si particulier, les retailers doivent pouvoir relier entre eux les différents points de contact afin de fluidifier le parcours client et de montrer d’un cran dans la personnalisation des expériences.
Aux mois d’avril et de mai 2021, Genesys a mené une enquête auprès de 2 629 consommateurs et 690 responsables CX avec l’objectif de dresser un état des lieux de l’expérience client dans les régions Asie-Pacifique, Europe, Amérique latine, Moyen-Orient/Afrique et Amérique du Nord. Parmi les participants côté professionnels, 118 travaillaient dans l’industrie du retail. De leurs réponses, nous avons pu extraire trois grandes tendances :
1. Le self-service, un outil aussi pratique qu’efficace en termes de CX
Dans le retail, près de la moitié des responsables CX ont indiqué vouloir faire du self-service un levier d’efficacité. Au point de le placer parmi leurs grandes priorités pour 2021. Enfants du numérique, les consommateurs d’aujourd’hui exigent une résolution au premier contact (FCR) et des services disponibles 24h/7j. En redirigeant les demandes de base vers les outils en self-service, les enseignes peuvent recentrer leurs agents sur des interactions plus complexes, voire sur de la vente pure. Les clients, eux, accèdent aux services au moment qui leur convient. Tout le monde y gagne.
Environ 43 % des retailers interrogés utilisent déjà des chatbots au sein de leur organisation et 28 % projettent d’intégrer un bot à leurs services au cours des six prochains mois. Ils se disent optimistes quant à la capacité des chatbots à répondre aux attentes de leurs clients, en particulier lorsqu’il s’agit de proposer davantage d’options de self-service pour alléger la charge de travail des téléconseillers (un gain de temps et d’argent) et de recueillir des informations afin de mieux comprendre et prédire les besoins des consommateurs.
Si ces derniers interagissent avec les bots bien plus fréquemment qu’en 2017, l’enquête révèle qu’ils ne sont pas plus satisfaits de ces expériences qu’avant. En effet, un client sur quatre seulement se dit extrêmement satisfait des interactions avec les chatbots, tous secteurs confondus. Par contraste, la moitié des retailers louent la capacité de leurs chatbots à répondre aux attentes des clients avec une extrême efficacité, en particulier dans un contexte marqué par la multiplication des cas d’usage. Accompagnement du client en magasin, suivi de leurs colis… les exemples sont nombreux.
Certes, les avantages du self-service sont indéniables, mais les enseignes ont encore beaucoup de chemin à parcourir pour améliorer leur expérience client. Seuls 30 % des responsables CX affirment ainsi réduire l’effort client de façon « significative » et ils ne sont que 35 % à faire confiance aux chatbots pour accompagner leurs clients en self-service de A à Z.
Ce qu’il faut retenir
Des bots, oui, mais pas n’importe lesquels. Si les chatbots sont beaucoup plus présents que par le passé, l’expérience qu’ils offrent aux clients se révèle moins gratifiante. Selon notre étude, il semblerait même que leur incidence sur le taux FCR soit minime. Pour améliorer l’expérience client, les bots conversationnels peuvent s’appuyer sur l’IA afin de percevoir l’intention des appelants et de simplifier le processus CX. Comment ? En analysant le profil du client pour préremplir ses formulaires, par exemple. Ou bien en montrant à l’interlocuteur qu’ils connaissent déjà sa situation. Au lieu de commencer l’interaction par un banal « Comment puis-je vous être utile ? », privilégiez les accroches plus personnalisées, par exemple : « Je vois que vous avez rencontré une erreur sur la page précédente, voulez-vous que je vous aide à résoudre ce problème ? »
La CX comme vecteur de confiance dans la marque
Co-op est une enseigne coopérative basée au Royaume-Uni. Supermarchés, pompes funèbres, assurances, service juridiques… Co-op sert les intérêts des consommateurs dans de nombreux domaines. Son centre de contact, qui gère des millions d’interactions dans tous les domaines d’activité du groupe, a parfaitement compris ce que les clients attendent de leurs échanges avec la marque.
Ce qu’ils recherchent aujourd’hui plus que jamais, c’est la praticité : intervention rapide, FCR, services disponibles à tout moment de la journée, etc.
« Ramené aux centres de contact et d’assistance, cela se traduit par plus de canaux, plus de réactivité, et la capacité à trouver la bonne réponse du premier coup, indique Claire Carroll, Responsable des Ventes et des Services au sein de Co-op. Nous avons travaillé très dur pour éliminer le besoin d’entrer en relation avec notre centre de contact. Ce que nous voulons, c’est prédire les comportements et les demandes de nos clients afin de les rediriger de façon proactive vers les FAQ ».
Désormais, lorsqu’un client cherche à entrer en contact avec un téléconseiller, c’est généralement pour des demandes plus complexes. Mais là encore, rien n’est gravé dans le marbre.
Prenons l’exemple des pompes funèbres. Avant la pandémie, ces services étaient principalement fournis dans l’une des 1600 agences du réseau Co-op. Le centre de contact se contentait de répondre aux questions des clients, notamment en dehors des heures d’ouverture. Tout a changé avec l’arrivée du Covid-19.
« Désormais, nos clients peuvent organiser des obsèques en virtuel, avec l’aide de nos téléconseillers, explique Claire Carroll. Si l’on m’avait dit il y a deux ans que nous proposerions des prestations funéraires 100 % en self-service, je n’y aurais pas cru. Pour moi, c’était voué à l’échec. Et pourtant, aujourd’hui, on observe un taux de satisfaction de 93 % pour les interactions en self-service, contre 96 % pour les échanges en face à face. C’est extrêmement gratifiant. »
La technologie influe à la fois sur le comportement des consommateurs et sur les capacités de gestion de la clientèle. C’est précisément pour cette raison qu’elle doit jouer un rôle majeur dans la stratégie CX, à commencer par les centres de contact. Co-op, elle, a choisi d’être présente pour ses clients aux moments qui leur conviennent le mieux. L’enseigne a ainsi déployé des outils conçus pour prédire l’intention de l’appelant, puis afficher les informations qui permettront aux agents de lui fournir ce dont il a besoin.
Dans le retail, réussir votre stratégie CX, c’est donner à vos clients toujours plus de raisons de vous préférer à un concurrent, explique Claire Carroll. « Si l’expérience proposée dépasse leurs attentes, alors la confiance qu’ils accordent à votre marque s’en trouvera renforcée. Vos clients se sentiront impliqués, ils auront la satisfaction d’avoir fait le bon choix. »
2. Technologies et formations : les retailers donnent aux téléconseillers les moyens de remplir leurs missions
Les responsables CX retail rapportent une augmentation de 22 % de leurs effectifs CX au cours des 12 derniers mois. Selon eux, cette croissance devrait rester stable (23 %) pour l’année à venir. Et puisqu’une expérience client de qualité passe avant tout par des équipes motivées et productives, ils font de la formation et de l’engagement collaborateur une priorité. Sur ces deux points, ils continuent de se heurter à des défis de taille pour motiver leurs troupes et les former continuellement aux nouveaux outils et protocoles, l’objectif final étant de maintenir la qualité de service.
Outre leurs programmes de formation et de développement, les retailers équipent leurs agents de tout un éventail de technologies conçues pour les aider à accroître leur productivité et leur efficacité. Pour les responsables CX de ce secteur, les deux grands leviers d’amélioration de l’expérience client sont les systèmes de gestion centralisés d’une part, et les screen pops d’autre part. Près de 70 % d’entre eux considèrent également que les technologies de support aux agents et les systèmes de surveillance et d’alerte en temps réel seront essentiels pour accroître la satisfaction de leurs clients et de leurs collaborateurs.
Les retailers ont aujourd’hui l’opportunité de recadrer leurs priorités de service sur les besoins de leurs clients. Sur ce point, ces derniers sont formels. Ce qu’ils attendent avant tout de leurs interactions, ce sont des réponses rapides et une résolution au premier contact.
Les retailers, pour leur part, placent le professionnalisme et la convivialité en tête des priorités. Seuls 37 % des responsables CX du retail interrogés nomment le FCR comme l’un des critères de service les plus valorisés par leur entreprise. L’écart est énorme. Il existe pourtant de nombreux moyens d’accroître leur taux FCR : améliorer les options de self-service (chatbots, etc.), favoriser l’intégration des canaux digitaux et vocaux, utiliser le « smart routing » pour mettre le client en relation avec le bon agent, etc.
Ce qu’il faut retenir
Misez sur la formation et l’engagement collaborateur. Les équipes CX ont connu de profonds bouleversements, tant sur le plan personnel que professionnel. Près des deux tiers des personnes interrogées observent une augmentation des effectifs et prévoient l’embauche de nouveaux téléconseillers cette année. Pour fournir à leur clientèle des expériences d’une qualité irréprochable, les entreprises doivent former ces équipes et booster leur engagement.
Prioriser l’expérience collaborateur
TechStyleOS est un prestataire international de services et d’opérations intégrés, à la tête de plusieurs grandes marques proposant des abonnements mode et chaussures, comme Fabletics et JustFab. L’entreprise a fait de la satisfaction de ses agents un pilier de sa « success strategy ».
Indispensable lors de la pandémie de Covid-19, le télétravail a insufflé aux équipes services de TechStyleOS un nouveau sentiment d’empowerment. « Nos agents nous ont prouvé qu’avec les technologies à notre disposition, nous pouvons rester connectés à nos équipes et à nos responsables, tout en continuant à offrir à nos membres la même qualité de service. Pour nous, ce n’est que du positif », explique Jack Roberts, Responsable UE de la planification et des technologies chez TechStyleOS.
Pour autonomiser davantage ses équipes, la société a abandonné ses modèles rigides de gestion des effectifs au profit d’une approche plus dynamique. Les agents indiquent désormais leurs préférences de planning et peuvent, par exemple, demander à travailler tel jour plutôt qu’un autre au lieu de poser un jour de congé lorsqu’ils ont des engagements. « Dès que nous sommes passés à ce nouveau modèle, le taux de rétention de nos agents a explosé », se réjouit Jack Roberts.
Loin d’accepter passivement les outils sélectionnés par les développeurs, les agents de TechStyleOS participent de façon active aux prises de décision concernant les technologies de workflow. « Nous organisons régulièrement des groupes de réflexion pour recueillir leurs avis et leurs idées concernant le fonctionnement des outils et la manière dont ils doivent évoluer. Cette nouvelle méthode a été très bien accueillie, » explique Jack Roberts.
Côté formation continue, l’entreprise met à la disposition de ses agents un système d’e-learning basé sur l’IA pour les accompagner tout au long de leur parcours. Chaque module peut être suivi plusieurs fois. « Les agents ont davantage d’opportunités pour apprendre et réapprendre. Il ne s’agit pas de valider un bloc puis de passer à autre chose. Nos collaborateurs repassent chaque test une seconde fois, quelques jours plus tard, pour s’assurer que ces nouvelles connaissances ont bien été assimilées, » indique Henry Hildesheim, Directeur UE, Expérience et Opérations sur site chez TechStyleOS.
Henry Hildesheim ajoute qu’une nouvelle initiative d’apprentissage basée sur l’IA est actuellement à l’étude. Ce système fournira aux agents des recommandations de formation en fonction de leurs performances. « Sur la base de leurs résultats, nos collaborateurs se verront indiquer les leçons à revoir et les informations qu’ils doivent relire et vérifier pour mettre constamment leurs compétences à niveau. »
3. La personnalisation reste un terrain encore largement sous-exploité
Si certains retailers sont passés maîtres dans l’art de la personnalisation, d’autres ont encore beaucoup d’efforts à faire dans ce domaine. Côté data, les responsables CX du retail ont deux grandes priorités. La première, utiliser les données et l’IA pour mieux comprendre leurs clients et leur offrir une expérience toujours plus personnalisée. La seconde, accroître leurs capacités d’analyse et de reporting. Cela ne leur fait cependant pas perdre de vue leurs obligations de confidentialité et de conformité des données, ni la nécessité de gérer le nombre croissant d’interactions et de canaux, deux impératifs prioritaires selon eux.
Lorsqu’elle est appliquée dans les règles de l’art, la personnalisation offre une multitude d’opportunités, tant en termes d’engagement clients que d’accroissement du chiffre d’affaires. Environ 80 % des consommateurs se laisseront tenter par d’autres articles lors de leurs achats, recommanderont une marque à leurs amis et à leurs collègues ou consacreront une part de portefeuille plus importante à une enseigne qui lui propose des expériences personnalisées. C’est 10 % de plus qu’en 2017.
Seulement voilà, en matière de personnalisation, le retail reste à la traîne. Seuls 39 % des responsables CX de ce secteur indiquent proposer à leur clientèle une expérience hyper-personnalisée, un taux inférieur à la moyenne globale, tous secteurs confondus (44 %). Pour plus d’un quart des enseignes interrogées (27 %), l’expérience client est « modérément personnalisée », voire « pas personnalisée du tout ».
Les consommateurs accordent tout autant d’importance à la confidentialité de leurs données qu’à la personnalisation de leurs expériences. Dans les faits, ils partageront volontiers leurs données personnelles avec les entreprises, à condition que celles-ci leur proposent en retour des expériences plus empathiques, plus personnalisées et plus pertinentes. Plus de 50 % des personnes interrogées se disent satisfaites lorsqu’une entreprise recueille des données sur leurs achats pour anticiper leurs besoins et leur offrir une expérience personnalisée.
La confidentialité et la protection des données restent néanmoins LA problématique éthique, sociale et environnementale au cœur des préoccupations des consommateurs et des entreprises, y compris des retailers.
Ce qu’il faut retenir
Brisez les silos de données. Les deux stratégies les plus citées par les professionnels CX en 2021 concernent la data : d’une part, utiliser les données et l’IA pour mieux comprendre les clients et leur offrir une expérience toujours plus personnalisée ; de l’autre, obtenir davantage d’insights clients et accroître les performances. Le problème, c’est que les silos freinent la circulation des données au sein de l’organisation et nuisent à la qualité de l’expérience. D’où l’importance de démanteler ces silos pour obtenir une parfaite visibilité sur le parcours client. Ce n’est qu’à cette condition que vous pourrez améliorer l’efficacité de chaque interaction.